Critique : RAHAN FILS DES ÂGES FAROUCHES

Auteur BD originaux : Roger Lécureux (histoire), André Chéret (dessins)

"Il y a plus de 500 000 saisons, le Mont Bleu s'éveilla. Toute la nuit, le volcan cracha ses entrailles de feu sur la horde de Craô le sage. A l'aube de l'humanité, à l'aube des temps obscurs, le Mont Bleu n'avait épargné qu'un enfant, il s'appelait Rahan".

L'histoire de Rahan se déroule pendant la Préhistoire. Un bébé orphelin est recueilli par la tribu de Craô le sage installée sur les flancs du Mont Bleu. Il reçoit alors le nom de Rahan. Durant l'adolescence de ce dernier, le Mont Bleu entre en éruption et fait disparaître tous les siens. Avant sa mort, Craô remet à Rahan son collier de griffes et lui fait promettre de respecter les symboles qui lui sont associés : courage, loyauté, générosité, ténacité et sagesse.

Rahan part alors à la recherche d'autres hommes, "ceux qui marchent debout". Pour trouver sa route, il fait tournoyer son coutelas sur le sol, et suit la direction indiquée par la lame. Chaque rencontre de tribus est alors synonyme d'affrontements, de questions mais aussi de nouvelles connaissances aussi bien pour lui que pour ceux qu'il rencontrera...



Avant-propos

Le plus célèbre héros de Pif Gadget est toujours en pleine forme. Son dernier album fait un détour par La Franche-Comté. Le pays de Montbéliard lui a préparé une grande fête.

Rahan a berçé une majorité des trentenaire, cette bande dessinée a certes des incohérences avec les différents protagonistes, mais l’ouvrage a été un déclencheur de savoir sur la fabuleuse histoire des hommes en temps de la préhistoire.



Pif Gadget, une belle époque

C’était en quelque sorte la préhistoire de la littérature jeunesse. Rayon bande dessinée, il y avait deux mondes. D’un côté, les personnages de la presse catholique, type Pomme d’Api, Bécassine et compagnie.

Et de l’autre, ceux de Pif Gadget, l’hebdomadaire fondé en 1969 sous l’égide du Parti communiste. Toutes les semaines, le magazine trimballait d’étonnantes trouvailles (Ah, les fameux pois sauteurs – des petites boules qui rebondissaient toutes seules, des crustacés venus des temps reculés).

Ses pages regorgeaient d’un flot d’aventuriers au long cours sensés sauver le monde et porter la bonne parole du progrès. On trouvait Erik le rouge, Docteur Justice et sans doute le plus célèbre d’entre tous, Rahan, fils des âges farouches.



Aujourd’hui dessinateur d’Achille Talon, le Nancéien Moski se souvient avec émotion du « fils de Craô ». Ses longs cheveux blonds (couleur de feu), son célèbre coutelas…il raconte : « Je me rappelle encore du jour où Pif a annoncé sa mort. C’était en 1977. Pour moi, ce fut un traumatisme. La Une était toute noire et portait simplement l’inscription : la Mort de Rahan ». Cette semaine-là, le magazine battit son record de vente, près d’un million d’exemplaires, de véritables funérailles nationales.

Présent, dès le premier numéro de Pif Gadget, Rahan fait figure d’archétype de l’honnête homme. Orphelin, le Fils des âges farouches erre au milieu des dinosaures et des humains de la préhistoire (ceux qui marchent debout) dans une inexorable quête. A la fin de chaque épisode, toujours le même rituel ; Rahan fait tourner son coutelas sur une pierre et suit la direction que lui indique la pointe.

Prêt à prendre le chemin de son destin. Simplement muni d’un pagne, d’un collier de griffes et d’un couteau d’ivoire qu’il a d’ailleurs dérobé, il affronte les animaux les plus effrayants (une raie Manta au dard empoissonné, un gorak, …) même si à chaque fois, le scénariste le rappelle : Rahan déteste prendre des vies. Il devait juste défendre la sienne.

Véritable Mc Gyver, il regarde le monde, invente à tout va pour se sortir des situations les plus délicates. Le premier radeau c’est lui, la catapulte, le téléphérique…toujours lui, Le léonard de la préhistoire en quelque sorte crée des miracles pour l’Humanité.

Tout naturellement, l’homme aux cheveux jaune s’oppose aux autorités basées sur l’ignorance : les chefs de clan costumés en dictateurs ou bien les sorciers qui font commerce de crédulité.

Parue l’année dernière, sa dernière aventure le conduit en Franche-Comté sur le site de Romain-la-Roche, entre Besançon et Montbéliard.



Jean-François Lécureux, fils de Roger, le scénariste des débuts décédé en décembre 1999, tire aujourd’hui les fils de l’histoire. Et à plus de 70 ans, André Chéret donne toujours vie et forme à l’increvable héros préhistorique.

Car la magie de la BD, malgré un décès qui remonte à plus de 35 ans, Rahan galope encore comme un jeune tricératops. La liste de ses aventures n’en finit plus de s’enrichir, un impressionnant tableau de chasse. De 1969 à 1992, près de 187 histoires (entre 12 et 20 pages) publiées dans Pif Gadget ; et depuis 1999 et la reprise par Jean-François Lécureux, un album d’une soixantaine de pages tous les ans en juin aux Editions Lécurieux. Il y en a désormais onze volumes.

Plusieurs compilations sont déjà sorties sous d’autres éditeurs. Rahan a même fait l’objet de deux séries de dessins animés (1987 et 2008). 26 épisodes de 26 minutes pour la dernière, souligne J.F. Lécurieux. Jusque là, ils étaient diffusés sur Canal+ Family. Ils devraient être présents sur France 3 cette année. (Mais rien n’est sur, déjà reportés une fois).



Compagnon et demi-frère de Rahan, l’héritier de la saga se réjouit : « depuis deux ou trois ans, c’est vraiment le retour de Rahan. Dans la bande dessinée, un secteur en crise, il fait partie des gros titres. En quatre décennies, on doit être à près de 40 millions de lecteurs. Aujourd’hui, il n’existe pas une personne qui ne connaisse pas Rahan.

Nous sommes sur trois générations. Il ya le père, le grand-père et les petits-enfants ».

Rahan a traversé la préhistoire et l’époque moderne pour venir jusqu’à nous. Il continue à croire en son avenir.



Le Pays de Montbéliard, terrain de chasse

Le fils des âges farouches a été à la fois la vedette d’une grande exposition et la star du 28° festival de la BD d’Audincourt. Une passion de gamin, c’est ce qu’éprouve Thierry Malvésy le conservateur du muséum Cuvier à Montbéliard.

Fan de la première heure, ce scientifique quadragénaire est allé au-delà de la simple admiration. Grâce à lui et à partir du mois d’octobre 2010 jusqu’au 27 février 2011, le héros préhistorique prend ses quartiers d’hiver dans le pays de Montbéliard.



Retour sur l’année 2008, à l’occasion d’une fête du timbre, André Chéret le père de Rahan vient dédicacer dans la cité des Princes. Thierry Malvésy est emballé et s’attache à faire découvrir à l’illustre auteur la richesse du patrimoine préhistorique de la région. Premier fruit de leur rencontre, la naissance en mai 2010 de l’album ‘L’incroyable Romain-la-Roche’.

Le fils de Craô poursuit ses aventures aux alentours et dans l’aven franc-comtois. La collaboration de l’artiste et du scientifique culmine le 9 et 10 octobre dernier. Cette exposition coïncide à la fois un hommage à la bande dessinée et également à la commémoration des trente de la découverte à Romain-la-Roche. D’ici la fin du mois, vingt cinq chercheurs sortiront une publication sur les richesses de ce piège naturel.

Pour l’occasion le musée accueille donc une exposition sur Rahan, crée par le musée de Bougon (deux Sèvres). Elle est couplée avec une dizaine de planches originales de Chéret. Vous trouverez également des pièces issues des collections de Romain-la-Roche, de riches de très nombreux et rares fossiles et squelettes. Enfin des animaux préhistoriques, grandeur nature sont exposés : bison, renne, renard polaire mais aussi smilodon (le tigre à dents de sabre), rhinocéros et mammouth.

Le visiteur a jusqu’à fin février pour découvrir cette exposition qui mêle habilement science, histoire et imaginaire. Par ailleurs, André Chéret et Jean-François Lecureux – le scénariste qui a pris la succession de son père ont dédicacé leur album au cours de la 28° fête de la BD d’Audincourt, sur le site de Japy, situé à quelques kilomètres du centre-ville de Montbéliard ; une autre exposition et rétrospective conçue par des plasticiens locaux est également consacré à Rahan.

Des petits potes préhistoriques, dans tout autre genre, comme Nabuchodinosaure, NAB pour les intimes entourent notre héros.

Pour les passionnés, le pavillon des sciences de Montbéliard propose de découvrir les Mammouths sous tous les angles. L’âge de glace dans la patrie du paléontologue Georges Cuvier : Voilà qui est bienvenu cet hiver ! (S.DOUGNAC – extrait l’Est Républicain en rubrique en bref, sujet la venue de Rahan, l’histoire en marche)



Plongée dans la préhistoire

Le site de Romain-la-Roche dans le département du Doubs, (oui je sais, il y a également la Madeleine Proust) unique en Europe a permis aux archéologues de faire trouvailles sur trouvailles.

Ainsi va la préhistoire, son histoire s’écrit au milieu des ossements de fossiles, d’indices infimes qui deviennent d’évidentes preuves.
Romain-la-Roche (commune de Romain, une centaine d’habitants) n’échappe pas à cette règle, située entre Rougemont et Baume-les-Dames, le site paléolithique a livré un exceptionnel trésor.

Découvert en mai 1980, cet aven a permis d’exhumer près de 25 000 os d’une fossilisation et d’une conservation étonnante.

Un aven (de l'occitan avenc de la région du Rouergue et des Causses, prononcé généralement avén/ovén) est un gouffre caractéristique des régions karstiques, le plus souvent formé par l'effondrement de la voûte d'une cavité karstique (ou grotte) dû à la dissolution des couches calcaires.

Un aven est une cavité dont l'accès s'ouvre dans le sol et qui présente sur tout ou partie de son développement la forme d'un puits vertical ou sub-vertical, ce qui la rend difficilement accessible sans matériel spécifique. Les dimensions de l'ouverture en surface de ces cavités béantes sont très variables : de quelques décimètres jusqu'à deux cents mètres, de même la profondeur peut être impressionnante.

Le nom masculin « aven » est diffusé en langue française à la fin du XIXe siècle par les études et descriptions des reliefs karstiques, particulièrement par ceux de Édouard-Alfred Martel sur la région des Causses (vers 1889). Le terme « aven » est utilisé préférentiellement, sans qu'il y ait de normes ou de conventions d'usage, par les géologues et les spéléologues à celui de « gouffre ».

Les avens de grande profondeur et/ou ayant une ouverture très large reçoivent parfois le nom d'« abîme » ou « abyme ».
(Définition Wikipédia)



Dans la dernière aventure de Rahan, l’incroyable Romain-la-Roche, un peu comme il l’avait fait à Solutré (l’important site bourguignon) quelques années auparavant, Jean-François Lécureux plonge son héros dans la grande aventure de la science.

Sur quelques pages, celui-ci est à deux doigts de tout perdre (son coutelas et sa propre vie) au-dessus du célèbre gouffre (une fissure de 7 mètres de large et de 18 mètres de long). Heureusement le fils de Craô le sage échappe à la mort et retrouve son outil au milieu d’un impressionnant enchevêtrement d’un os. A défaut d’être vrai, tout cela tient parfaitement dans le cadre historique.

Mammouth, ours des cavernes, aurochs, bison des steppes, lemmings… des restes de quasiment tous les animaux ayant peuplé la Franche-Comté au quaternaire (-150 000 à 50 000 avant Jésus-Christ) ont été retrouvé à Romain-la-Roche. L’aven à la fois servi d’abri pour l’homme de Neandertal ; de piège naturel et de tanière, unique en France et en Europe, ce site regorge d’une richesse historique inouïe.

Un peu plus loin sur la commune de Vergranne, des dents humaines ont été également retrouvées, Rahan est passé par là !? Non, le gouffre a été découvert dans les années 1970 à la suite d’un tir de mines sur une carrière.

Les fouilles ont véritablement démarré en 1979. Pendant onze ans, les trouvailles ont succédé à des trouvailles. En 1980, une défense de Mammouth de 2.20 mètres. L’année suivante, un squelette quasiment complet d’un rhinocéros est remonté à la surface. En 1984, les premiers silex taillés témoignant de la présence de l’homme, toute la région était prise de frénésie.

Au total plus de 150 fouilleurs bénévoles se sont relayés sur le chantier, sans jamais trouver la trace du plus célèbre héros de la préhistoire.
Heureusement Jean-François Lécureux est passé par là !



Vous pouvez poursuivre l'aventure sur le site Rahan.org, attention il faut être un véritable passionné.

Comments

[Magali FRISKA]

Rahan, fils des âges farouches et de l'ère moderne... toujours d'actualité et pas démodé.

[Tonton ken]

Merci pour la mise en page !